Les réseaux sociaux, une nouvelle toile pour s’exprimer…mais le salarié dispose t’il d’une liberté absolue notamment lorsqu’il mentionne son Employeur ?

 

Deux points principaux doivent être abordés : les faits reprochés au salarié sont ils constitutifs d’une faute & le procédé par lequel l’employeur prouve les faits est il opposable ?

 

 

Que peut-on reprocher comme publications Facebook à son salarié ?

Les agissements du salarié sur internet peuvent-ils être sanctionnés lorsqu’ils ont été commis sur un réseau social « privé », hors temps de travail et à partir d’un ordinateur personnel ?

Imaginez-vous, de bon matin ( ou pas finalement !) être interpellé par l’un de vos collaborateurs qui vous relate que son collègue, votre salarié, Monsieur « N » s’épanche depuis 2 jours  sur Facebook en ne mâchant pas ses mots, en vous insultant et en mettant en cause votre Entreprise !!!

1er effet : vous sortez de vos gons, normal ! 2nde réaction : vous souhaitez faire stopper cela, préserver vos intérêts et envisager une éventuelle sanction.

Dans une telle situation, il faut donc prendre du recul et analyser en toute objectivité les faits, voici quelques questions à se poser, une check list à pointer :

  1. sur quel réseau social les propos ont ils été tenus ?
  2. quelles sont ses « injures et mises en causes » ?
  3. quand le salarié a t’il agi et à partir de quel ordinateur ?

Facebook : privé ou public ?

A ce jour, la jurisprudence existante évoque principalement en la matière, le réseau social « Facebook » . Les utilisateurs s’expriment donc par ce biais pensant qu’ils sont en « terrain privé », que cela relève de leur vie personnelle et qu’ainsi leurs propos n’ont pas de limite.

Facebook est un site internet, dit de réseau social, permettant à chacun de créer un compte et un profil, et d’y publier des informations. Ces informations peuvent être paramétrées par l’utilisateur de manière à ce qu’elles soient accessibles par tous les internautes, ou, au contraire, accessibles seulement par certains, nécessairement inscrits sur le réseau social, identifiés et autorisés par l’utilisateur.

A partir du moment où un salarié a réservé l’accès de son compte facebook uniquement à certaines personnes, les informations qui y sont stockées relèvent de sa vie privée.

Si au contraire, l’accès à la page n’est pas restreint, il s’agit alors de la sphère public.

Une nuance s’opère toutefois sur la page « privée » : un groupe de 14 personnes a été considéré comme tel mais pour un compte disposant de 52 amis, le contraire a été jugé aussi où les juridictions placent elles la limite ? rien n’est défini, il s’agit d’une appréciation au cas par cas :

ex : une négociatrice en immobilier qui adhère à un groupe  » extermination des directrices chieuses » ( Cass 12/09/18 16/11-690) ayant des propos injurieux ne pourra pas être sanctionné au motif que les membres du Groupe n’étaient que 14, il ne s’agissait donc pas de la sphère publique.

Ainsi la liberté d’expression exercée dans le cadre de la vie privée est préservée quand sa portée est limitée sur Facebook au nombre d’utilisateurs du compte et au contraire est sanctionnable lorsqu’elle est exercée publiquement c’est-à-dire sans limite d’accès.

 Faute ou pas du salarié ?

Le contenu produit par le salarié peut être constitué par des écrits mais également par des vidéos ou des photographies, en ce sens sont considérés comme fautifs la production d’ :

  • une photographie au côté d’un autre salarié faisant un doigt d’honneur avec la mention injurieuse « fuck baguepi » ( Cass soc 04/04/18 16/01878) a été jugé constitutif d’une faute
  • Une vidéo de parodie sur la vie de résidents accueillis dans un EPAH dont l’auteur est salarié, tournée avec plusieurs collègues contenant des scènes scatologiques et à connotation sexuelle. ( CA Bordeaux 24.10.18 16/07461)

Il résulte d’une jurisprudence récente que les écrits et photographies publiés sur les réseaux sociaux relèvent de la vie privée du salarié , interdisant en principe à l’employeur de prendre une sanction disciplinaire. Toutefois, cette protection cesse lorsque les propos d’un salarié causent un trouble manifeste à l’entreprise .

Ainsi les gens se dévoilent et déchargent leurs colères, leurs frustrations sans même imaginer que leurs agissements puissent être répréhensibles.

Les florilèges en la matière sont nombreux et sans limite :

  • Message d’un salarié sur sa page facebook « les en,., de ma boîte P », « les patrons français… des voyous ! » « C vraiment tous des bâtards » ( Cass soc 12.09.18 16/22482)
  • deux membres d’un service RH qui ont appelé d’autres salariés à la rebellion contre l’Entreprise ( CPH Boulogne 19.11.10 09/00343)
  • une négociatrice en immobilier sur la page de son groupe  » extermination des directrices chieuses » ( Cass 12/09/18 16/11-690) tenant de spropos injurieux
  • Le salarié qui cite les paroles de la chanson «  les patrons c’est comme des cochons » lors d’une conversation avec une collègue à propos justement de leur Entreprise ( CA Rennes 02.03.18 16/07806)

Chaque cas d’espèce est par nature différent toutefois l’ambiguité n’est jamais possible sur les cas sanctionnés par la jurisprudence, les faits sont fautifs car causant un trouble manifeste à l’Entreprise.

Hors temps de travail et ordinateur personnel

La question s’est posée de savoir si le salarié doit avoir agi sur son temps de travail et avec un ordinateur appartenant à son employeur pour être sanctionné.

Peu importe, à cette nuance prêt : si le salarié a agi durant le temps de travail, sa responsabilité pourra être recherché de surcroit pour avoir « vaqué » à d’autres occupations durant son temps de travail rémunéré.

Mais finalement cela démontre, que le salarié a très souvent agi en dehors de son temps de travail, à son domicile et à partir d’un ordinateur personnel et pourtant, il peut être susceptible d’être sanctionné.

 

mment prouver les injures postés sur une page Facebook ?

  

La faute étant avérée, comment devez-vous faire pour en préserver la preuve ? et quels sont les moyens qui sont autorisés par la Loi ?

La faute du salarié ne justifie pas tous les moyens aussi l’employeur ne peut user d’un moyen déloyal pour parvenir à ses fins.

La preuve doit être un réflexe lorsque vous pensez « faute du salarié », en effet, vous vous devez d’anticiper un éventuel litige et donc de préserver immédiatement vos intérêts pour pouvoir en temps voulu, démontrer la véracité de vos allégations.

La solution la plus fiable est le procès verbal: vous sollicitez un huissier de justice aux fins de constat qui va donc pouvoir établir avec certitude les faits que vous reprochez à votre salarié.

Cette démarche est inévitable car vous devrez pouvoir démontrer le contenu, dans quelle sphère il a été posté, le dater…

Cette question de la preuve, rejoint finalement celle de la sphère privée ou publique : en effet, comment l’employeur peut il démontrer la faute du salarié ?

  • contenu public, l’employeur  y accède par lui-même puisque la page est publique et le salarié n’en a pas limité l’accès
  • contenu privée, l’employeur risque de devoir utiliser des moyens « déloyaux » pour parvenir à ses fins

La preuve produite doit être suffisamment solide afin d’être acceptée par les juridictions. Ainsi la production de témoignages par l’employeur afin de tenter de démontrer la connexion du salarié à Facebook durant son temps de travail n’est pas considéré comme une preuve :

– Ainsi « la société OPTICAL CENTER produit l’attestation de Madame Yaelle A., responsable hiérarchique de Madame L., qui déclare : ‘A plusieurs reprises, j’ai dû demander à Elodie L. de ne pas se connecter durant ses heures de travail sur Facebook. Sans considération, j’ai dû demander à supprimer son accès sur son ordinateur pour lui en empêcher. Par la suite, elle apportait son ordinateur personnel pour s’y connecter’…produit également un courriel adressé par Madame A. à Monsieur B., son propre supérieur hiérarchique, le 9 novembre 2012, se plaignant du comportement de Madame L. et notamment de ‘3 connexion a facebook dans la journée […] mauvais état d’esprit’, ainsi qu’un courriel adressé à l’entreprise le 22 janvier 2013 par un prestataire de service, qui déclare ‘Entre le 13 et 29 novembre 2012, Yaelle du site OC de Neuilly nous a demandé de bloquer l’accès au site « Facebook » dû à l’abus de certaines personnes. De ce fait et de son accord, nous avons modifié le fichier host de Windows du poste d’Elodie et d’un autre poste (Maude) qui a été réinstallé depuis cette date’ » (CAParis 13.12.18 16/07815)

De plus le fait de devoir accéder par le compte Facebook d’un « ami » du salarié fautif est considéré comme un moyen déloyal ( Cass 09/06/10 09/03209)

Compte tenu, le salarié qui s’exprime à l’égard de son employeur dispose d’une liberté absolue d’expression si celle-ci est conditionnée à la sphère privée, au-delà il ne devra causer aucun trouble manifeste à son employeur et ce peu importe qu’il ait agi durant son temps de travail ou non, à partir d’un ordinateur personnel ou non.

Dans une telle situation deux solutions s’offrent à vous soit vous nous poser la question via notre formule « Urgence juridique » soit vous souhaitez que nous envisagions une procédure disciplinaire ou de licenciement avec possibilité d’une mise à pied conservatoire 

 

Faites nous confiance, vous ne le regretterez pas et vous direz dans quelques temps «  pourquoi n’y ai-je pas penser avant ? ».